Collecta est une base de données et un site Internet qui reconstituent virtuellement la collection de François-Roger de Gaignières (1642-1715) dispersée entre différents lieux de conservation (plusieurs départements de la Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford). Elle est construite à partir de l’inventaire complet des 5569 items (manuscrits, portefeuilles de dessins et d’estampes, imprimés, tableaux et objets) dressé en 1711, du vivant de l’antiquaire.
La collection de François-Roger de Gaignières (1642-1715) comporte des images et des textes. Elle se construit sur le relevé et la copie, développe l’extrait, les référencements et les renvois internes, fixe des normes et établit des listes permettant les repérages et les recoupements. Un document, figuré ou écrit, produit à partir d’un monument ou d’une archive, peut faire l’objet de copies multiples pour trouver sa place sous différentes entrées dans des portefeuilles distincts, sollicités selon diverses thématiques (topographie, familles, institutions, costumes, etc.). Cette structure ouverte, conçue pour être sans cesse enrichie par ajout et intercalation, a disparu de la conscience des chercheurs aujourd’hui confrontés au document isolé. Dans la collection Gaignières, le document, même précis, détaillé, légendé, etc., n’est pas conçu ni utilisé pour une fin unique ou préconçue. Cette propriété de la collection la « prédispose » à un usage numérique, à une réinterprétation continue et inépuisable.
L’équipe de recherche Collecta réunissant historiens de l’art et designers d’interface s’est donné un quadruple objectif :
• restituer et documenter scientifiquement la collection Gaignières,
• inventer un mode de représentation permettant à chacun de visualiser la collection dans son ensemble pour appréhender son volume, son classement et accéder à chaque pièce dans son contexte,
• considérer la fortune critique et artistique de la collection à travers ses copies et usages ultérieures,
• mettre en mouvement la collection, réassembler les documents selon d’autres combinaisons intellectuelles et visuelles, susciter ou autoriser de nouveaux questionnements.
Le projet Collecta a été l'occasion dans le champ du design de penser les modalités d’apparition et de consultation de l'information en s’appuyant sur les possibilités structurelles, fonctionnelles et esthétiques du numérique (liens hypertextes, interopérabilité, datavisualisation, etc.). Au-delà de la création d'un outil de consultation d'une base de données interrogeable selon divers critères, cette interface a été pensée pour proposer une expérience inédite de la collection, participant de sa découverte et de sa compréhension, tout en faisant la part belle aux formes et documents visuels.
Collecta s’articule autour d’une structure de fichiers qui utilise une architecture logicielle Modèle-Vue-Contrôleur (MVC) pour l’affichage du site, et d’une base de données MySQL de 64 tables qui totalise en octobre 2017 près de 100 000 enregistrements, tous types confondus (documents, personnages, édifices, liens entre documents et personnages, liens entre documents et édifices, etc.).
Le modèle conceptuel de données utilisé pour générer la base a permis d’expliciter les nombreuses jointures SQL, actant de fait plusieurs choix sur l’articulation, l’enregistrement, la qualification et la recherche des données.
La conception technique de cette interface qui traite une grande quantité de données a demandé une optimisation des flux transférés, rendue possible grâce à la technologie AJAX, à la compression des données envoyées par le serveur, et à une indexation de la base pour plusieurs champs d’interrogation.
Le colloque international qui s’est tenu à l’École du Louvre les 7 et 8 avril 2016 a été l’occasion d’offrir une lecture transdisciplinaire et critique des questions soulevées par la rencontre de l’histoire de l’art, du design et de l’informatique dans le champ des humanités numériques. Les enjeux sont historiques, épistémologiques, cognitifs, esthétiques, patrimoniaux, sociaux, culturels et créatifs. Les actes publiés en décembre 2016 s’articulent autour de quatre sections distinctes : « Voir et comprendre », « Les collections et le pari de la restitution », « De l’aléa et du système », « L’objet et son transfert ». On y trouvera en plus de contributions variées, le détail du projet Collecta et de ses enjeux (p. 8- 43). Le PDF proposé ici (~12Mo) est celui de la version papier et offre l’avantage de liens URL cliquables. Le 14 Octobre 2020, une journée d’étude consacrée à l’exploitation des corpus de données géolocalisées a été l’occasion pour le programme Collecta de faire le point sur son projet de création d’interface cartographique, et de le mettre en lien avec d’autres bases de données géo localisées concernant l’histoire médiévale. La visualisation cartographique rendue aujourd’hui possible sur le site est l’un des fruits de cette journée. La journée d’étude du 24 Juin 2021, consacrée à la notion de points de vue, a permis quant à elle d’échanger autour d’un des plus récents chantiers de recherche ouvert par le programme : l’application Collecta +, une application de sciences participatives permettant d’écrire une histoire des points de vue, en confrontant nos collectes directes de données aux documents visuels rassemblés par l’antiquaire. En prenant possession nous-mêmes des territoires dessinés par Gaignières, nous pourrons ainsi davantage prendre conscience de ses partis pris de représentation et mieux cerner la manière dont il a approché ces territoires pour les intégrer à sa collection. Cette enquête participative souhaite tirer parti des connaissances locales de chacun & chacune, et permettra une redécouverte des lieux vécus au quotidien.