Transcription
Monsieur,
J'ay beaucoup d'affection pour le serviteur qui vous rendra la présente, parce qu'il est d'une fort honnête famille, et ne seroit pas obligé à servir s'il avoit voulu vivre dans l'hérésie dans laquelle il étoit né. Ses honnêtetés rendent assés témoignage de sa naissance. Il a de l'esprit et du sçavoir-faire. Enfin, il seroit capable d'une condition plus favorable que celle qu'il occupe. Vous obligerez, Monsieur, très sensiblement si vous voulez bien lui ménager quelque place en la maison d'un homme de qualité. J'espère qu'il vous tiendra comte de lui avoir donné un domestique aussi sage, fidelle, entendu à tout et attaché à ses intérestz. Vous l'avez veu, Monsieur, dans le petit séjour que vous avez fait en cette maison, et je croy que vous y aurez reconnu partie des qualités que je lui attribue. La charité semble plus d'obligation à l'égard des personnes que l'amour de la religion et de leur devoir [retiré] de leur famille. Le Seigneur s'imputera les bons offices que vous rendrez à celui qui a préféré comme dit un prophète roy de servir en la maison de Dieu à la domination en celle des pécheurs. Les reconnoissances dont je me donne l'honneur de vous asseurer de ma part ne devroient point estre proposées après celles que vous recevrez de Jésus Christ, elles ne vous seront point un motif de bienveillance à l'égard de celui que je vous présente mais elles seront de justice dans un coeur qui prend part au bien que l'on fera au serviteur qu'il aime avec justice. J'espère qu'il me raportera des nouvelles de votre disposition, Dieu veille qu'elle soit meilleure que celle de, Monsieur, votre très humble et très obéissant srviteur,
Julien Raguideau
A St Denis, ce 30 novembre 1694