Transcription
du 11 octobre 1696
Pendent que vous jouissés des plaisirs chartrains, M. de Bonrepos vous a esté chercher, et ne vous aiant pas rencontré, est venu s’en plaindre à moi, cependent il vous a laissé un paquet qu’il a confié à vostre consierge. M. de Florensac n’a pas esté plus heureux, il a quatre cordons bleus de sa maison dont il vous veut faire un présent. Il meurt d’envie de vous connoistre, il a chez luy une sale toute plaine de portraits qu’il a trouvé dans sa famille et tous sont vêtus à la mode de leur temps, et dont il est plus passioné que vous et moy, c’est tout dire, ne sommes des nostres. Faites moy je vous suplie sçavoir de vos nouvelles, il est bien difficile qu’il y ait quelqu’un qui y prene autant d’intérêts que moy et sans compliment je ne suis uniquement fâché de n’avoir rien fait en ce pais-cy que par l’impossibilité où cela me met d’exécuter la pencée que je vous découvris dans une de nos dernieres conversassions. Bonsoir mon très cher Monsieur, conservez vous et m’aimez si vous voulez que je sois content.
Remarques
Denis Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne, collectionneur et ami de Gaignières, constitue l'un de ses principaux correspondants. Ils échangent longuement sur leurs collections de portraits. La Princesse Palatine décrit le cabinet de Moreau dans l'une de ses lettres, datée du 23 mars 1702: Hier, l'envie me prit de voir l'appartement de M. Moreau. premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne. . . J'y allai au lieu de me rendre au sermon. C'est petit, mais propre et curieux. Il a quatre petites chambres avec des portraits et des tableaux magnifiques (...). Autour des grands tableaux sont pendus des petits, tous de la même dimension : tous les rois de France depuis François Ier jusqu'à notre Roi, et sous chaque roi les grands hommes, guerriers et savants qui ont vécu de son temps. Il a les portraits de tous les poètes depuis cette époque-là jusqu'à la nôtre ; Malherbe a une affreuse barbe : de même il a les maîtresses de tous ces rois et toutes les reines aussi. Il a un cabinet à part pour notre époque, où se trouvent Mme de Montespan. Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludres. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée en sainte. De plus, toute la maison royale. Puis, rangés par ordre, tous ceux qui ont gagné des batailles : M. le Prince, le duc d'Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Sous le cardinal de Richelieu, il a mis tous ceux que celui-ci a fait mourir (...). Sous Henri III se trouvent tous les guis-sarts (sic) et tout ce qui a fait figure au temps de la ligue. . . Il possède de belles et précieuses porcelaines et figurines de bronze. Il a aussi M. Lebrun, Mignard, M. Le Nostre, très ressemblant ; Racine, Corneille, La Fontaine, très ressemblant aussi ; tous les jansénistes, Mme Guion. Je voulus qu'il la mette entre M. de Cambrai et M. de Meaux. Il y avait songé, me dit-il, mais il n'avait pas osé le faire. Il a aussi Rablais (sic), qui a l'air très drôle. . . J'y suis restée toute une heure". (Lettres de Madame Palatine, édition Hubert Juin, 1961, p. 201-202).
Bibliographie
Grandmaison (Charles de), "Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits", Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LII, 1891, p. 183