Transcription
Du 7
Vostre lettre, Monsieur, m’a donné une très sensible joye, en m’aprenant que grâce au segneur vous estes presque entièrement délivré des accidents de vostre chute, dans la suitte de vostre voyage je vous suplie de prendre plus garde à vous. La découverte de la maison de Charles 7 et le raport qu’elle a avec Marli vous doit avoir fait plaisir. Je m’attens dans receuvoir beaucoup lorsque je vayray les dessains que vous en avez fait faire. Monsieur le mareschal de Noailles, madame la duchesse de Guiche et monsieur le comte d’Aïen on (sic) dîné chez moy et nous avons bu vostre santé (sic). Je ne vous puis dire des nouvelles bien fraîches du fils de monsieur de Niert, il m’avoit mandé qu’il seroit isçy samedi et je l’attens tous les jours. Je feray vos compliments à monsieur Louville, mais se ne sera que lorsqu’il voudra bien se laisser voir aux gents de ma sorte. Mon maître se porte en perfection, il attent impatiament le retour de Fontainebleau. Moy j’attens le vostre, et en l’attendent je m’ocupe à vous préparer une entrée plus supportable que celle qui vous introduisoit dans mon appartement. Je suis au désespoir que vous ne voyez pas la décoration que j’ay fait à la cheminée de mon grand cabinet, tout le monde en est fort content et je me flate que vous le seriez, mais à vostre retour le feu ch[…] sera la décoration. Je me consolleray de tout si vous revenez en bonne santé et si vous m’aimés toujours.
Remarques
Denis Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne, collectionneur et ami de Gaignières, constitue l'un de ses principaux correspondants. Ils échangent longuement sur leurs collections de portraits. La Princesse Palatine décrit le cabinet de Moreau dans l'une de ses lettres, datée du 23 mars 1702: Hier, l'envie me prit de voir l'appartement de M. Moreau. premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne. . . J'y allai au lieu de me rendre au sermon. C'est petit, mais propre et curieux. Il a quatre petites chambres avec des portraits et des tableaux magnifiques (...). Autour des grands tableaux sont pendus des petits, tous de la même dimension : tous les rois de France depuis François Ier jusqu'à notre Roi, et sous chaque roi les grands hommes, guerriers et savants qui ont vécu de son temps. Il a les portraits de tous les poètes depuis cette époque-là jusqu'à la nôtre ; Malherbe a une affreuse barbe : de même il a les maîtresses de tous ces rois et toutes les reines aussi. Il a un cabinet à part pour notre époque, où se trouvent Mme de Montespan. Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludres. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée en sainte. De plus, toute la maison royale. Puis, rangés par ordre, tous ceux qui ont gagné des batailles : M. le Prince, le duc d'Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Sous le cardinal de Richelieu, il a mis tous ceux que celui-ci a fait mourir (...). Sous Henri III se trouvent tous les guis-sarts (sic) et tout ce qui a fait figure au temps de la ligue. . . Il possède de belles et précieuses porcelaines et figurines de bronze. Il a aussi M. Lebrun, Mignard, M. Le Nostre, très ressemblant ; Racine, Corneille, La Fontaine, très ressemblant aussi ; tous les jansénistes, Mme Guion. Je voulus qu'il la mette entre M. de Cambrai et M. de Meaux. Il y avait songé, me dit-il, mais il n'avait pas osé le faire. Il a aussi Rablais (sic), qui a l'air très drôle. . . J'y suis restée toute une heure". (Lettres de Madame Palatine, édition Hubert Juin, 1961, p. 201-202).
Bibliographie
Grandmaison (Charles de), "Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits", Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LII, 1891, p. 183