Transcription
Du 30
Je compte, Monsieur, toutes les honnestetés de monsieur l’evesque de Chartres pour rien si il ne vous fait pas, par la communication des titres de son église, trouver l’intelligence des belles vitres que vous y avez remarqué. Je vais rendre à M. de Niert vostre lettre et luy faire vos remerciements. Je suis issi dans un grand chagrin pour la disgrâce de la pauvre Mme de Saint-Géran qui estoit de mes amies particulières et qui ne méritoit pas le mauvais traitement qu’on luy fait souffrir, mais il ne faut rien dire pour ce qui est du monsegneur, tous les ministres et les secrétaires d’estat le prétendent et on les désoblige de leur escrire autrement. Je sçay bien que du temps de ma jeunesse cela ne se pratiquoit pas mais présentement cela est establi. Je vous suis bien obligé du soin que vous prenez de ma santé, elle est meilleure depuis quelque jours qu’elle n’estoit auparavant. Si vous me voulez faire un bien sensible plaisir, vous aurez un grand soin de la vostre et vous me conserverez vostre amitié qui m’est en vérité très présieuse.
Remarques
Denis Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne, collectionneur et ami de Gaignières, constitue l'un de ses principaux correspondants. Ils échangent longuement sur leurs collections de portraits. La Princesse Palatine décrit le cabinet de Moreau dans l'une de ses lettres, datée du 23 mars 1702: Hier, l'envie me prit de voir l'appartement de M. Moreau. premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne. . . J'y allai au lieu de me rendre au sermon. C'est petit, mais propre et curieux. Il a quatre petites chambres avec des portraits et des tableaux magnifiques (...). Autour des grands tableaux sont pendus des petits, tous de la même dimension : tous les rois de France depuis François Ier jusqu'à notre Roi, et sous chaque roi les grands hommes, guerriers et savants qui ont vécu de son temps. Il a les portraits de tous les poètes depuis cette époque-là jusqu'à la nôtre ; Malherbe a une affreuse barbe : de même il a les maîtresses de tous ces rois et toutes les reines aussi. Il a un cabinet à part pour notre époque, où se trouvent Mme de Montespan. Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludres. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée en sainte. De plus, toute la maison royale. Puis, rangés par ordre, tous ceux qui ont gagné des batailles : M. le Prince, le duc d'Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Sous le cardinal de Richelieu, il a mis tous ceux que celui-ci a fait mourir (...). Sous Henri III se trouvent tous les guis-sarts (sic) et tout ce qui a fait figure au temps de la ligue. . . Il possède de belles et précieuses porcelaines et figurines de bronze. Il a aussi M. Lebrun, Mignard, M. Le Nostre, très ressemblant ; Racine, Corneille, La Fontaine, très ressemblant aussi ; tous les jansénistes, Mme Guion. Je voulus qu'il la mette entre M. de Cambrai et M. de Meaux. Il y avait songé, me dit-il, mais il n'avait pas osé le faire. Il a aussi Rablais (sic), qui a l'air très drôle. . . J'y suis restée toute une heure". (Lettres de Madame Palatine, édition Hubert Juin, 1961, p. 201-202).
Bibliographie
Grandmaison (Charles de), "Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits", Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LII, 1891, p. 183