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[Lettre de Denis Moreau à Gaignières, 12 janvier 1696]
Lieu(x) et Période de production
Destinataire du document (courrier)
Matériau, Technique
Papier
Statut du document
Original
Source du document numérisé
Transcription
du jeudi 12 janvier 96,
Mes petits portraits, Monsieur, sont faits et mis en place, et si je ne me trompe, vous en serés content, surtout du connestable de Luines que mon pintre a habillé par merveilles, il luy a donné un pourpoint de satin blanc à fleurs d’or avec une petite dentelle à sa fraise qui en font un très agréable portrait. Faites moy la grâce de me mander, en me fesant sçavoir des nouvelles de vostre santé, quand vous trouvez bon que j’envoie quérir ceux que vous avez encor la bonté de me permettre de faire copier à fin que je mande à ma sœur qu’elle envoie mon crocheteur chez vous pour les prendre. Ce sont les portraits de Claude de Guise, du mareschal de Saint-André et les estempes du mareschal de Marillat et du duc de Rohan. En s’en retournant, mon crocheteur vous reportera le connestable de Luines et Montagne dont je vous rends mil et mil grâces, sans croire que je vous en ay assés rendu. On a bien cherché issi inutilement de quelle maison estoit celle de madame du Fargis et son mari dont il est fait si grande mantion dans le journal du cardinal de Richelieu. Aiez toujours, je vous en suplie, la mesme bonté pour moy, et soiez bien persuadé que je vous honnore infiniment.
Remarques
Denis Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne, collectionneur et ami de Gaignières, constitue l'un de ses principaux correspondants. Ils échangent longuement sur leurs collections de portraits. La Princesse Palatine décrit le cabinet de Moreau dans l'une de ses lettres, datée du 23 mars 1702: Hier, l'envie me prit de voir l'appartement de M. Moreau. premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne. . . J'y allai au lieu de me rendre au sermon. C'est petit, mais propre et curieux. Il a quatre petites chambres avec des portraits et des tableaux magnifiques (...). Autour des grands tableaux sont pendus des petits, tous de la même dimension : tous les rois de France depuis François Ier jusqu'à notre Roi, et sous chaque roi les grands hommes, guerriers et savants qui ont vécu de son temps. Il a les portraits de tous les poètes depuis cette époque-là jusqu'à la nôtre ; Malherbe a une affreuse barbe : de même il a les maîtresses de tous ces rois et toutes les reines aussi. Il a un cabinet à part pour notre époque, où se trouvent Mme de Montespan. Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludres. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée en sainte. De plus, toute la maison royale. Puis, rangés par ordre, tous ceux qui ont gagné des batailles : M. le Prince, le duc d'Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Sous le cardinal de Richelieu, il a mis tous ceux que celui-ci a fait mourir (...). Sous Henri III se trouvent tous les guis-sarts (sic) et tout ce qui a fait figure au temps de la ligue. . . Il possède de belles et précieuses porcelaines et figurines de bronze. Il a aussi M. Lebrun, Mignard, M. Le Nostre, très ressemblant ; Racine, Corneille, La Fontaine, très ressemblant aussi ; tous les jansénistes, Mme Guion. Je voulus qu'il la mette entre M. de Cambrai et M. de Meaux. Il y avait songé, me dit-il, mais il n'avait pas osé le faire. Il a aussi Rablais (sic), qui a l'air très drôle. . . J'y suis restée toute une heure". (Lettres de Madame Palatine, édition Hubert Juin, 1961, p. 201-202).
Bibliographie
Grandmaison (Charles de), "Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits", Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LII, 1891, p. 183