Numéro de l'item (1711) incluant le texte
Texte identifié
[Lettre de Denis Moreau à Gaignières, 27 novembre, sans date]
Lieu(x) et Période de production
Destinataire du document (courrier)
Matériau, Technique
Papier
Statut du document
Original
Source du document numérisé
Transcription
Du 27 novembre
J’ay renvoyé à ma sœur les portraits et Marot et de Saint-Gellais, et si vous ne les avez pas encor reçeus, Monsieur, vous les receuvrez incessament. Ils honnorent considérablement mon cabinet et me font un plaisir si sensible que je ne trouve aucuns termes qui puissent vous l’exprimer ny vous marquer la moindre partie de ma reconnoissance. Mandez moy je vous suplie, si vostre bonté n’est point épuisée, sur les petits portraits et si vous ne serez point fatigué que j’envoye L’Esveillé à Paris prendre chez vous quelques uns de ceux qui me manquent et que vous voulustes bien mestre sur un catalogue que vous emportastes la dernière fois que vous me fistes l’honneur de me venir voir. Ceux que je souhaiterois d’avoir les premiers, suposé que vous les ayés et que cela vous soit indiférend, sont monsieur de Guise de Naples, le connestable de Luines et monsieur le mareschal de Marillat. On me dit que j’ay grand tort de n’avoir pas Rabelais et Montagne. Ne me trouvez vous point bien importun ? Dites le moy, je suis, quoyque vieux, capable de correction. Mais ne m’en aimés pas moins, c’est un goust que vous m’avez inspiré qui me fait manquer, pardonnés le moy dont et venez issi receuvoir mes excuses. Je suis, Monsieur, plus que je ne puis vous le dire, vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,
Moreau
Remarques
Denis Moreau, premier valet de chambre du duc de Bourgogne, collectionneur et ami de Gaignières, constitue l'un de ses principaux correspondants. Ils échangent longuement sur leurs collections de portraits. La Princesse Palatine décrit le cabinet de Moreau dans l'une de ses lettres, datée du 23 mars 1702: Hier, l'envie me prit de voir l'appartement de M. Moreau. premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne. . . J'y allai au lieu de me rendre au sermon. C'est petit, mais propre et curieux. Il a quatre petites chambres avec des portraits et des tableaux magnifiques (...). Autour des grands tableaux sont pendus des petits, tous de la même dimension : tous les rois de France depuis François Ier jusqu'à notre Roi, et sous chaque roi les grands hommes, guerriers et savants qui ont vécu de son temps. Il a les portraits de tous les poètes depuis cette époque-là jusqu'à la nôtre ; Malherbe a une affreuse barbe : de même il a les maîtresses de tous ces rois et toutes les reines aussi. Il a un cabinet à part pour notre époque, où se trouvent Mme de Montespan. Mme de La Vallière, Mme de Fontange, Mme de Ludres. Il a aussi Mme de Maintenon, habillée en sainte. De plus, toute la maison royale. Puis, rangés par ordre, tous ceux qui ont gagné des batailles : M. le Prince, le duc d'Harcourt, M. de Turenne et M. de Luxembourg. Sous le cardinal de Richelieu, il a mis tous ceux que celui-ci a fait mourir (...). Sous Henri III se trouvent tous les guis-sarts (sic) et tout ce qui a fait figure au temps de la ligue. . . Il possède de belles et précieuses porcelaines et figurines de bronze. Il a aussi M. Lebrun, Mignard, M. Le Nostre, très ressemblant ; Racine, Corneille, La Fontaine, très ressemblant aussi ; tous les jansénistes, Mme Guion. Je voulus qu'il la mette entre M. de Cambrai et M. de Meaux. Il y avait songé, me dit-il, mais il n'avait pas osé le faire. Il a aussi Rablais (sic), qui a l'air très drôle. . . J'y suis restée toute une heure". (Lettres de Madame Palatine, édition Hubert Juin, 1961, p. 201-202).
Bibliographie
Grandmaison (Charles de), "Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits", Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LII, 1891, p. 183