Transcription
Je croiois toujours, Monsieur, pouvoir aller à Paris cette année, mais la guerre renverse bien des projets et faict bien marcher et demeurer des gens, il faut donc remettre à l’année prochaine nostre première entreveue, cependant je puis vous assurer que je ne perds pas mon temps et que je ramasse bien des choses curieuses dont je vous feray part, je faicts copier les tiltres des fondations des antiennes abayes et dessigner les tombeaux, mais j’ay faict un voyage à Lizieux le plus heureux que je feray de ma vie, monsieur l’Evesque m’ayant donné un missel qui est la pièce la plus curieuse que vous ayés veue. Il a esté faict pour l’abaye de Scherborn en Angleterre qui d’evesché qu’elle estoit est devenue abaye, il est plus gros et plus grand que les livres de chant du plus grand volume qui soient dans les églises, les armes et les portraits au naturel des roys, fondateurs, evesques et abés y sont peintes en belle mignature. L’establissement des ordres et le temps de la naissance des antiennes hérésies en Angleterre y sont marqués et il y a une infinité de choses curieuses et de traits d’histoire que l’on trouve dans ce livre, qui d'ailleurs est enrichi de vignettes de testes naturelles d'hommes, d’oiseaux, de bastimens et de mille autres choses. Le nom du moyne qui les a faict est escrit dans le livre en plusieurs endroits mais la datte du temps auquel il a esté escrit n’y est point, on présume cependant par beaucoup de circonstances qu’il doit estre du milieu du quinziesme siècle.
J’espère vous le faire voir un jour, mais comptés qu’il n’y a rien de plus beau dans le cabinet du roy.
Je ramasse toujours de vieilles heures et j’en reçois de touttes les provinces du royaume j’en ay desjà cent vint trois entre lesquelles il y en a de très riches et de très curieuses. J’ay faict donner au père Martin la station de B[...] pour le caresme, je luy feray tenir vostre lettre.
Je vous enveray par la première commodité les mandemens de Coutances et de Bayeux sur la condamnation de monsieur de Cambray et vous recommande vostre santé, estant monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur,
Foucault
A Caen, ce 20e mars 1703