Transcription
Pax Christi
Monsieur,
Quand je n’aurois eu que la seule satisfaction de recevoir une de vos lettres, ma joye auroit esté extrême dans l’appréhension où j’estois que vous ne vous repentissiez d’avoir eu trop de bonté pour un homme aussi indigne de vos soins et d’entretenir commerce avec un homme comme vous. Jugez de là quel plaisir j’ay reçu voiant que vous ne m’aviez pas oublié et que vous joigniez à l’honneur de votre souvenir des instructions aussi utiles et aussi judicieuses que les vôtres.
Nous avions le Révérend Père Prieur et moy prié un de nos pères de Saint-Germain de vous présenter de notre part une espèce de plan ou de projet de l’histoire de Bretagne, s’il ne l’a pas fait il le fera sans doute au plus tôt. Vous y remarquerez bien du vôtre et vous reconnoitrez que je n’ay pas oublié toutes les instructions que vous me donnâtes a Forges, la plus part des articles contenus en votre dernier mémoire y sont parce que vous me les aviez suggéré et je vous promets que je profiteray très soigneusement des autres. Nous ne négligeons assurément rien et j’ose vous assurer qu’il y aura peu à glaner après notre moisson. S’il ne tenoit qu’à cela pour contenter le public j’oserois répondre de la réussite de notre dessein. On lit pour nous que vous ne sçauriez croire et 2 fois chaque autheur, et chaque ouvrage par deux différentes personnes. On a outre cela l’un des plus éclairez hommes du royaume pour les archives qui doit visiter et examiner toutes celles de la Province, on a parole de Mgrs les Prélats qu’ils emploiront toute leur authorité pour nous faire avoir tous les tombeaux, épitaphes, écussons et toutes les fondations, chacun de leur diocèze. On est résolu de ramasser tout, soit ce qu’il regarde l’histoire générale, soit ce qui concerne les familles particulières. C’est à peu près ce que vous souhaitez mais nous souhaitons avec tout cela quelque chose de plus, que vous nous disiez franchement nos défauts et que vous nous donniez de vrais avis d’amy que nous recevrons toujours avec toute la docilité possible.
Un seigneur de ce pais nommé M. le marquis de Carcado, grand amy de M. le marquis de Refuge et qui vous connoit de réputation nous promet de grands secours pour un nobiliaire. C’est un gentilhomme qui seroit à votre goût et il m’a promis deux portraits de chevaliers de l’ordre qu’il croit que vous n’avez pas. Nous faisons grand fonds sur son assistance. Faites moy de grâces sçavoir si messire René de Tournemine, seigneur de la Guerche en Rays et lieutenant général du gouvernement de Bretagne a été Cordon bleu. Le père Dupas le qualifie Chevalier des deux ordres du roy et nous avons icy un excellent tableau où je crois que ses armes sont avec les deux colliers. Je dis que je crois que ce sont ses armes car c’est un écartelé d’or et d’azur ou sable, le temps ayant changé à ce que je pense le bleu en noir. Cependant je ne le trouve point dans les listes ordinaires et je n’y trouve personne qui porte de même. Tout ce que nous pourrons ramasser sera entièrement à votre service et à celuy de vos amis. Entretenez les toujours dans la volonté de nous secourir et soiez persuadé que je suis avec beaucoup de respect et de reconnoissance, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
fr. Antoine Paul Le Gallois
Si j’avois des copies de mon oraison funèbre je vous épargnerois l’argent que vous voulez perdre mais puisque vous y estes résolu et que je ne puis vous en empêcher la veuve Coignard profitera de votre faute