Archive numérique de la collection Gaignières (1642-1715)

Texte

[Brouillon de lettre de Gaignières à Pierre de Saint-Louis, 30 novembre 1687]

  • [Brouillon de lettre de Gaignières à Pierre de Saint-Louis, 30 novembre 1687]

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Cote ou no d'inventaire
Folio
152
Numéro de l'item (1711) incluant le texte
Texte identifié
[Brouillon de lettre de Gaignières à Pierre de Saint-Louis, 30 novembre 1687]
Nature(s) du texte
Lieu(x) et Période de production
1687
Paris (75/Paris)  
Matériau, Technique
Papier
Statut du document
Original
Objet traité
Localisation(s) traitée(s)
  Italie
Période traitée
Source du document numérisé
Transcription
Du 30 novembre 1687,

Au père Pierre de Saint-Louis à Florence,

J’ay receu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’escrire mon très révérend père, mais je l’ay receue dans un temps que j’estois trop mal pour vous en pouvoir faire mes remerciemens. Je n’entreprendray pas de respondre aux louanges excessives dont elle est remplie, elles me conviennent si peu que je ne les dois regarder que comme un effet de vostre bonté et d’une inclination flateuse et obligeante que vous avez. Souffrez seulement mon très révérend père que je vous tienne conte de tout ce que vous me faites la grâce de me promettre d’amitié et que je vous en demande la continuation. Je me suis aquité de la commission que vous m’avez donnée. J’ay présenté vostre lettre à Son Altesse mademoiselle de Guise, qui a apris seulement par vous mesme ce qu’elle ne sçavoit pas et je ne me suis pas trouvé assez instruit pour luy en aprendre d’avantage. Ce n’est pas une princesse auprès de qui l’on puisse rendre aisément de mauvais ofices à qui que ce soit. Nous avons le bonheur qu’elle n’est pas comme la plus part des Grands, elle ne se prévient point et ne condamneroit personne sans l’entendre, ny un party sans avoir ouy l’autre. Ainsy soyez en repos sur son sujet puisque l’on luy feroit fort mal sa cour de luy parler au désavantage de quelqu’un et moins de vous que d’un autre qui vous atirerez tousjours de l’estime et de la considération non seulement par les marques que vous avez de celle de M. le Grand Duc, mais encore par vous mesme.
Quoy que vous ne vous expliquiez pas, mon révérend père, comme vous l’auriez peu, je vois bien que quelqu’un de vos pères de Paris m’ont mis en jeu mal à propos, puisque voicy ce qui s’est passé où vous ayez eu quelque part: vous sçavez qu’un jour que vous entrastes dans la chambre du père général dom Pradillon je m’y trouvay et vous ressortistes aussitost. Il me parla fort avantageusement de vous, j’eus occasion de vous le dire à l’hostel de Guise et je le fis. Quelques jours avant vostre départ, estant aux Feuillans, comme je m’informois si vous y estiez pour vous rendre visite, un de vos pères me demanda devant le père Pradillon si vous m’aviez parlé du fruit de vostre voiage. Je répondis que non et pourquoy. Là dessus le père Pradillon prit la parolle et dit : "ce sont affaires de communautez et qui regardent l’ordre, cela est fait, ce sont choses particulières". Vous jugez bien que ce discours ne me donna nulle curiosité, et après il ne fut pas parlé davantage, non plus qu’en cinq ou six fois que je l’ay veu depuis. Si les avis que l’on vous a donné sont précisément conformes à ce que je vous escris ils sont bons, mais s’il y en a davantage ils ne le sont pas. J’eus mesme l’honneur de vous voir quand Son Altesse mademoiselle de Guise vous fut chercher et depuis quand vous pristes la peine de passer céans, je ne crois pas que vous vous y soyez aperceu que l’on vous eust voulu défigurer. J'avois mesme desjà oublié ce que je vous ay marqué tant j’y eus peu d’atention. Je ne suis point homme d’intrigues, je les crains et je les fuis, lorsque j’ay remply mes devoirs je me suis fait assez d’occupation comme vous l’avez veu pour n’en pas chercher d’autres mal à propos dans les affaires d’autruy. Et si je l’ose dire, le nombre d’amis que j’ay m’emporte assez de temps sans employer celuy qui me reste à me mesler de ce que je ne dois pas. Je vous avoue que le père Pradillon est de mes amis et je n’ay point connu qu’il ne fust pas des vostres. Quand je m’en serois aperceu, je n’aurois pas creu ce commerce incompatible avec vous puisque des affaire de cloistre ceux de dehors n’y doivent jamais entrer, quand mesme ceux de dedans les y voudroient obliger. C’est un galant homme, à ce qui m’en a toujours paru, il est fort amy de mes amis et je l’ay connu par là à cause de quelques curiositez qu’il m’a procurées, ce qui fait nostre entretien et nostre commerce, comme je m’estois proposé d’en avoir un avec vous et comme vous vous y estiez engagé si honnestement.
Je crois, mon révérend père qu’après tout ce détail vous devez estre content de moy, vous le devez estre aussi de madame de Guise qui me dit, après m’avoir leu vostre lettre, qu’elle vous feroit response qu'elle ne sçavoit ce que c'estoit. [passage raturé] Je vois bien qu'il y a dans vos maisons de ces amiz zelez qui font les empressez à mander ce qu'ils se figurent et parce que l'on m'a veu avec un homme avec qui aparemment sur ce qu'il me mande vous estes brouillé, on a conclu que je devois en avoir esté informé et estre entré dans ce qui en peut avoir fait le sujet. Je l'ignore et l'ignoreray tant que je pourois, car encor un coup, mon révérend père, quoyque dans le monde je ne juge pas si mal que vous pensez de ceux qui sont dans le cloistre. Ils peuvent avoir leurs veües et leurs interests, ce n'est point pour les gens du dehors, contez là-dessus. Si j'avois esté un peu plus connu de vous , vous n'auriez pas conclu si promptement.

à moins qu'un peu de rumatisme qu'elle a ne l'en empesche, et qu'elle vous estoit bien obligée en m'ordonant de vous le mander et de vous remercier de sa part. Si j'avois eu l'honneur d'estre un peu mieux connu de vous, mon révérend père, vous auriez conclu différement de ce que vous avez fait sur les avis que vous avez eus de quelques gens ou spéculatifs ou mal informés, mais cela n'est rien. Il n'en faut plus parler, retournons à la curiosité. Croyez-vous estre quitte de ce que vous m'avez promis, vrayment? Neny, il vous est aisé de me ramasser bien des choses sans qu'il vous en couste qu'un peu de [...]. Quand le destail de ce que je cherche des estats de Mgr le Grand-duc iroit jusques à luy, je ne crois pas qu’il en fust fasché. Je suis persuadé mesme qu’il feroit comme quelques grands princes qui de près et de loin m'envoient ce qui les regarde en portraits de taille douces (sic), en plans [...], médalles, monoyes et jetons, mais sans vous obliger à révélation. En somme, mon révérend père, songez qu'il sera en vostre pouvoir de me tenir ce que vous m'avez fait la grâce de me promettre au lieu des marques de la méchante opinion que vous avez de moy au travers de toutes les louanges et de toutes les douceurs que vostre honesteté vous le peu suggérer. Quant à moy, fort grossièrement et sans façon mais très véritablement, je n'ay manqué en rien à l'amitié que je vous ay promise et que je vous tiendray tant que vous voudrez bien estre persuadé comme vous le devez que je suis avec toute l'estime et toute la considération possible...
Remarques
Gaignières répond ici à la lettre de Pierre de Saint-Louis, datée du 28 août 1687 et conservée dans le septième recueil de sa correspondance (BnF, français 24991, fol. 329).

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