Archive numérique de la collection Gaignières (1642-1715)

Texte

[Lettre de Jean Gellé à Gaignières, 20 novembre 1684]

  • [Lettre de Jean Gellé à Gaignières, 20 novembre 1684]

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Cote ou no d'inventaire
Folio
206
Numéro de l'item (1711) incluant le texte
Texte identifié
[Lettre de Jean Gellé à Gaignières, 20 novembre 1684]
Nature(s) du texte
Lieu(x) et Période de production
Destinataire du document (courrier)
Matériau, Technique
Papier
Statut du document
Original
Édifice traité
Abbaye de Saint-Riquier - Bénédictin/Bénédictine
Abbaye

Région traitée
Normandie
Période traitée
Source du document numérisé
Transcription
Pax Christi

Monsieur,

Je suis marri d’être sorti du Tréport avant que de vous avoir fait designer les deux tombeaux de monsieur et de madame de Guise qui sont dans l’Eglise des Jésuites de la ville d’Eu, ce sont des pièces qui méritent de tenir un rang considérable dans vos curiositez. J’ay assurément cherché toutes les occasions de les avoir may il n’y avoit personne ni à Eu ni au Treport qui sçut dessigner. J’avois donné du papier à un écolier de rhétorique qui grifonnoit un peu pour le faire et pour tirer tout ce qu’il trouveroit d’épitafe dans les autres églises, il ne m’a point tenu paroles (sic). J’en avois aussy donné à deux écoliers de Dieppe qui aprenoient à designer, je suis sorti avant leur reponse et avois prié un de nos pères s’ils m’apportoient quelque chose de le faire tenir à Dom Michel Germain. Barocourt, d’où je vous ay envoyé l’épitaphe du comte de Lannoy, est un petit village à une lieue de la ville d’Eu dont le comte de Lannoy est seigneur.
Je tâcheray de vous éclaircir sur toutes les difficultez que vous formez sur l’épitaphe du prince de Stemeuse en vous répétant une partie de ce que je vous ay déjà dit en vous l’envoyant. Il étoit lieutenant général des troupes du roy dans la Picardie sous Louys XI, et ayant fait quelque trahison, il fut pris ou mis en prison à Abbeville dans une chambre du présidial que les bonnes gens de ce pays là appellent l’écriture et ainsy au lieu de dire monsieur de la Grutule, ils disent M. de l’Ecriture. D’autres disent que le lieu où est à présent le siège d’Abbeville estoit le palais de ce monsieur de la Grutule et qu’il y fut enfermé par ordre du roy et son procez fait et que luy ayant donné le choix de sa mort, on luy ouvrit les veines. Il fut enterré dans la magnifique église de Saint-Riquier qui étoit tout nouvellement bâtie et qui fut bruslée par les soldats de l’archiduc en représailles de ce que les François avoient bruslé Liessy et autres saints lieux. Et comme à présent on rebâti (sic) cette église de Saint-Riquier dans sa première splendeur on a trouvé dans les ruines la tombe et les os du saint Angilbert neveu de Charlemagne qui en a été abbé. On en fera dans peu de temps l’élévation avec la dédicace de l’église. On a trouvé aussy dans ces ruines la tombe du prince de la Grutules couvert d’une pierre de marbre longue de 8 à 10 pieds et large à proportion. Elle étoit à platte terre auprès de la cloison du chœur dans l’aile gauche et auprez dans la muraille une autre marbre environ de deux pieds en quarrez où estoit l’écriture « Messire Jehan de Bruges » comme elle est marquée lettre pour lettre et rien n’y manque, elle est en lettre gothique. Sur la tombe de marbre il n’y a rien que quatre écusson (sic) en relief d’un pouce ou deux sur lesquels il y a quatre croix. Je vous mandois qu’on avoit élevé ces deux marbres et qu’on avoit mis la tombe droite de largeur dans la muraille qui sépare le presbyter de son aile, et au dessous d’une grille de ferre qui en fait la cloison, et le petit marbre qui contient l’écriture qu’on l’a mis sur la clef de l’arcade au dessus dans la balustrade de fer. Ce sont les armes de monsieur l’abbé d’Aligre qui sont écartelés et ont des soleils à deux étoiles en face et des lions, je ne me souviens pas bien de la disposition, entourez de palmes, corone de marquis, chargé de mitre et crosse.
Je suis à présent à Saint-Quentin, en aussy bonne disposition de vous y servir que jamais. Vous en verrez, Dieu aidant, les effets qui ne répondront point à l’affection car le pays est encore plus stérile que d’où je viens. J’ay encore du papier suffisament pour ce qu’il y a à colliger dans toute la province de Picardie. Je cherche quelqu’un pour m’aider en cela, mais ne vous attendez pas à de riches dépouilles parce que notre abbaye aussy bien que quatre ou cinq autres qui étoient hors de la ville ont été entièrement ruinées pendant les guerres de Charles Quint et depuis transferez dans la ville et bien reserrés, en sorte qu’il ne reste rien des antiquitez qui sont assez ordinaires dans nos maisons qu’une tradition assez incertaine. Le tombeau le plus lugubre qui soit en cette ville est celuy de notre abbaye de Saint-Quentin-en-Isle, qui est ensevelie sous dans un ouvrage à corne qui défend la ville du costé de Laon.
L’honneur de votre connoissance et de vostre amitié m’est si chère que je voudrois trouver des occasions plus importantes de vous témoigner l’estime que j’en fais et avec combien d’affection je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Fr. Jean Gellé, M.B.

A Saint-Quentin, ce 20 novembre 84

Je ne manqueray pas la première occasion que j’écriray au Tréport de tenter si on vous peut envoyer les mausolées de monsieur et de madame de Guise. J’espérois que Mademoiselle y venant y emmeneroit quelque peintre, je l’aurois obligé de me les dessigner mais je suis sorti avant son arrivée.

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